À propos de Marceline Desbordes-Valmore
“Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire. J’écris pourtant.” Marceline Desbordes-Valmore.
Marceline Desbordes-Valmore était (en plus d’être actrice et chanteuse) notamment une poétesse romantique française d’avant-garde et la seule femme incluse dans le groupe Les poètes maudits, une sélection de Paul Verlaine dont il était considéré comme une précurseure. Sa vie difficile marquée par la perte de trois enfants (d’où ses titres de Notre-Dame des pleurs et Notre-Dame du peuple) transparaît dans sa poésie nettement mélancolique. Bien qu’elle n’ait reçu aucune éducation formelle, en tant qu’autodidacte, elle s’est débarrassée du vers alexandrin en inventant le vers de 11 syllabes et a singularisé sa poésie par des marques de dialogue (mais cela avec la prévalence de l’écoute), de sensibilité, de simplicité et de spontanéité. Ces caractéristiques, communes à d’autres écrivains comme Carolina Maria de Jesus, par exemple, font de Marceline Desbordes-Valmore un autre auteur à être ” (re)découvrir ” en classe, tant dans les cours de littérature française que dans ceux de français langue étrangère.
De tout ce qu’elle a écrit (poèmes, nouvelles et romans), son œuvre la plus connue est le recueil de poèmes intitulé “Poésies inédites”, une publication posthume de 1860, on trouve le poème “Les séparés (N’écris pas…)” dans lequel elle exprime ses douleurs, ses (re)sentiments et en somme, ordonne à son amant de ne plus lui écrire. Ce court poème, considéré comme une élégie, est représentatif de l’œuvre de Marceline Desbordes-Valmore, car il porte les caractéristiques marquées dans son écriture et citées ci-dessus. La simplicité et la musicalité de ses vers font résonner des images faciles, rendant le message du poème presque transparent pour les étudiants novices : elle souffre ; il y a de la reconnaissance. Et pour ceux qui ont plus de lecture et un certain répertoire littéraire, qui reconnaissent la référence au supplice de Tantale et qui peuvent également “entendre” la syntaxe rythmique intérieure de l’auteur, ils peuvent, peut-être et à un niveau plus profond, également ressentir dans leur âme toute la souffrance qui traverse son esprit au moment de sa création : alors, nous souffrons ensemble, il y a de la compassion.
Une grande partie de l’écriture de Marceline Desbordes-Valmore est constituée de textes courts et sonores, accessibles à la lecture en classe, et c’est pour cette raison aussi que beaucoup d’entre eux ont été mis en musique, comme “Les séparés (N’écris pas…)” par Benjamin Biolay (2007) et par Julien Clerc (1997). Ce dernier (fait curieux), a reconnu dans ses performances en direct une erreur dans l’enregistrement du CD (Julien) en studio, où il a par accident changé deux mots similaires (“doux” pour “deux”) qui ont modifié le sens de la phrase “N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire” ; presque de la même façon que les enseignants font (mais intentionnellement) dans les cours de littérature, dans les activités pour explorer les possibilités de lectures permises par la poésie.
Marceline Desbordes-Valmore n’a peut-être pas reçu d’éducation classique, mais elle a gagné sa place dans le canon littéraire en sublimant des sentiments humains universels à travers sa poésie. Et de même que Carolina Maria de Jesus semblait n’insister que sur le thème de la faim et de la misère, mais écrivait en réalité sur la souffrance humaine, le thème de l’écriture de Marceline Desbordes-Valmore, qui semble ne concerner que l’amour, se répercute, à une lecture plus attentive, sur les relations humaines, à partir des souvenirs de son enfance imprégnés de sa perspective lyrique de la souffrance et du romantisme. Elle a dit elle-même qu’elle écrivait parce qu’elle souffrait et, indépendamment de la conscience qu’elle avait de l’aspect thérapeutique de cet acte, elle écrivait ; bien qu’écrire, dans une certaine mesure, (re)signifiait (re)vivre ses souffrances ; presque une auto-flagellation. Quoi qu’il en soit et à notre grande chance, obstinément, elle a dit : “Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire. J’écris pourtant”.